De l’Europe à l’Amérique du Nord : quel avenir pour la durabilité ?

1. État des lieux de la durabilité : un paysage contrasté

Un contexte politique défavorable mais des fondamentaux économiques solides

L’année 2025 marque un tournant dans la perception de la durabilité mondiale. Contrairement aux premières années du mouvement climatique où les reculs semblaient temporaires, nous assistons aujourd’hui à des changements plus profonds et durables.

Philippe Zaouati dresse un constat sans appel sur l’évolution du contexte depuis la Climate Week de New York : “Il y a 15 ans, c’était l’année où on avait adopté les Sustainable Development Goals. 15 ans plus tard, c’était assez différent. On a eu le droit, en plein milieu de cette Climate Week, à la déclaration de Trump sur le changement climatique qui est une arnaque.”

Cette réalité politique ne doit cependant pas masquer une dynamique économique plus nuancée. Les entreprises, contrairement aux cycles politiques, raisonnent sur le long terme et maintiennent leurs investissements de transition malgré l’incertitude réglementaire.

Des disparités géographiques marquées

L’analyse géographique révèle des contrastes saisissants. Pendant que les États-Unis adoptent une posture de retrait, le Canada développe une approche volontariste, alimentée notamment par une volonté de différenciation géopolitique.

Isabelle Hudon explique cette dynamique canadienne : “Avec le discours anti-climat américain, les Canadiens ont trouvé énormément de fierté à se démarquer de notre ex-meilleur ami en voulant faire probablement tout son contraire.”

2. Drivers du changement : les forces qui maintiennent la dynamique

La pression générationnelle comme moteur principal

Au-delà des considérations réglementaires, c’est la pression exercée par les nouvelles générations qui constitue le véritable moteur du changement. Cette dynamique transcende les frontières et les cycles politiques.

Isabelle Hudon souligne cette réalité : “Il y a une tension continue de la part des plus jeunes générations qui veulent travailler pour des organisations qui démontrent pas seulement de l’intérêt, mais des actions concrètes en faveur du climat.”

L’effet cascade des grandes entreprises

Un mécanisme de transmission s’est mis en place : les grandes entreprises, soumises à des obligations réglementaires strictes, répercutent ces exigences sur leur chaîne de valeur, créant un effet d’entraînement sur les PME et ETI.

Isabelle Hudon confirme : “Les grands groupes obligent que les ETI aient aussi une reddition de comptes sur le climat et les autres éléments d’ESG. La réglementation, les grands groupes mettent la pression.” 

L’enjeu technologique : IA et énergie

Un nouveau driver émerge avec force : le lien entre intelligence artificielle et besoins énergétiques. Cette problématique pourrait redéfinir les investissements dans la transition énergétique.

Philippe Zaouati identifie cet enjeu comme central : “Le gros sujet de discussion, c’est le lien IA-énergie qui est vraiment dans toutes les bouches. Tous les producteurs, tous les upscalers de la tech ont besoin d’énergie propre, d’énergie décarbonée.”

La donnée extra-financière, au même niveau que la donnée financière ?

Des chiffres qui parlent

Les données révèlent l’ampleur de l’enjeu, particulièrement pour les entreprises de taille intermédiaire. Au Canada, Isabelle Hudon met en perspective cette réalité : “Entre 30 et 40% des gaz à effet de serre au Canada sont émis par les activités des PME, ce qu’on appelle ici les ETI.” 

Cette donnée illustre pourquoi l’extra-financier ne peut plus être considéré comme accessoire : il représente une part substantielle de l’impact environnemental et, par conséquent, des risques et opportunités économiques. 

La résilience des investissements de transition

Malgré l’incertitude politique, les entreprises maintiennent leurs investissements de durabilité, démontrant la valeur business perçue de ces démarches.

“Une entreprise qui a pris une décision d’investir il y a 3 dans la durabilité ne va pas s’arrêter aujourd’hui parce que Trump dit que c’est une arnaque. La vision long terme prévaut.” 

L’impératif de soutien aux entreprises en transition

L’enjeu central aujourd’hui réside dans l’accompagnement des entreprises engagées dans leur transformation. Cette nécessité dépasse les considérations politiques pour devenir un impératif économique.

Philippe Zaouati synthétise cet enjeu : “Il faut soutenir absolument les entreprises qui sont en transition. C’est absolument le cœur du sujet aujourd’hui.”

L’équation IA-climat : un défi déterminant

L’avenir de la finance durable pourrait se jouer sur la capacité à réconcilier développement technologique et transition énergétique. Cette équation représente à la fois le plus grand risque et la plus grande opportunité du secteur.

Philippe Zaouati résume : “Si on arrive à faire ce lien positif entre IA et transition énergétique, on a peut-être quelque chose qui est très, très puissant. Si on n’y arrive pas, ce sera un peu la catastrophe.”.