Climate Week NYC 2025 : interview de Rachel Delacour

L’atmosphère autour de la Climate Week à New York

Rachel, certains disent que la dynamique de la Climate Week new-yorkaise s’essouffle cette année et que les entreprises relaient la durabilité au second plan. Qu’en pensez-vous ?

“Je ne partage pas du tout ce constat. Les entreprises ne dépriorisent pas la durabilité, elles la pilotent juste de façon plus stratégique. Chez Sweep, on observe un véritable élan, avec de grands groupes américains qui viennent chercher notre plateforme simplement parce que c’est bon pour leur compétitivité.
C’est vrai, les entreprises en parlent moins publiquement, mais en interne elles accélèrent. Pourquoi ? Par nécessité : les réglementations climatiques en Californie et la CSRD en Europe ne vont pas disparaître, et la non-conformité coûte cher. Au-delà du risque réglementaire, nos clients comme Crocs, CH Robinson, L’Oréal identifient d’énormes gains d’efficacité et la possibilité de sécuriser leur supply chain.
Le bruit politique révèle surtout qui prend la durabilité au sérieux, et qui fait juste de la communication. Les entreprises qui voient la durabilité comme un vrai levier de compétitivité, et pas comme un exercice de communication, sont celles qui tirent leur épingle du jeu. C’est ce mouvement de fond qu’on constate, et il s’accélère.“

IA & technologie pour la durabilité

En quoi l’IA change-t-elle la donne pour le calcul carbone, et quel rôle doit jouer la tech pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2030 ?

“Après 20 ans à développer des plateformes de business intelligence, je vois l’IA comme un vrai “game changer” pour la donnée extra-financière. Chez Sweep, on l’utilise pour automatiser les tâches les plus pénibles et permettre aux entreprises de se concentrer sur la création de valeur. Nos intégrations transforment des données supply chain complexes en calculs d’émissions fiables, prédisent les plus gros postes d’émissions, et rendent le suivi Scope 3 enfin réalisable à grande échelle.

Mais il ne faut pas oublier : l’IA n’est pas magique, elle amplifie surtout la qualité des données et la clarté de la stratégie. Les entreprises qui atteignent leurs objectifs 2030, qui économisent, réduisent leurs risques et attirent les investisseurs, sont celles qui arrivent à intégrer vraiment la tech dans tous leurs corps de métier. Quand l’équipe achats voit instantanément l’impact carbone de chaque décision qu’elle prend au niveau fournisseur, là, la transformation est réelle.”

L’empreinte carbone de l’IA est importante. N’est-ce pas paradoxal pour une entreprise de durabilité de promouvoir ces technologies ?

“C’est justement pour cela qu’on a fait les choses autrement. On refuse de mettre de l’IA partout : on l’utilise là où elle crée le plus de valeur et apporte vraiment de l’efficacité. Nos agents IA sont conçus spécifiquement pour la gestion de la donnée extra-financière, pas pour du calcul généraliste énergivore.

En automatisant des tâches de reporting, qui prennent des milliers d’heures de travail manuel, on réduit in fine la consommation énergétique. Concrètement, on remplace des semaines de tableurs, de chaînes de mails et de validation de données, par des agents ciblés, efficaces et hébergés dans le cloud.

Depuis le début, on privilégie la sobriété avec des agents IA spécialisés, légers, sans utiliser des modèles généralistes, et donc gourmands en énergie. L’empreinte carbone de notre IA est largement compensée par les réductions d’émissions générées chez nos clients. On mesure et partage également nos propres émissions, tout en aidant chaque client à suivre celles générées par sa propre utilisation de l’IA de Sweep.“

Le retour sur investissement de la durabilité

La Climate Week se tient dans un contexte politique très incertain : comment investir dans le climat quand le cadre réglementaire est instable ?

“Investir dans la durabilité, c’est une question de rentabilité. Chez Sweep, on voit des groupes comme HP économiser des millions grâce à une meilleure efficacité opérationnelle et à l’optimisation de la chaîne d’approvisionnement. Ce ne sont pas des initiatives pour “bien paraître”, mais de vrais leviers concurrentiels. L’incertitude politique est même une opportunité : quand certains hésitent, ceux qui agissent sécurisent des coûts d’énergie plus bas, des chaînes d’approvisionnement plus résilientes, et attirent les meilleurs talents, qui choisissent aussi leur employeur sur les valeurs.

Les chiffres sont clairs : une entreprise durable réduit ses coûts, augmente ses marges et se protège contre la volatilité des prix et les pénuries de matières premières. Quelle que soit l’évolution de la réglementation, les entreprises qui misent sur la durabilité performent mieux.

Un exemple récent : un important fonds de pension néerlandais, engagé dans la transition durable, a retiré ses mandats à BlackRock et Legal & General à cause de leur position sur ces sujets. Ce n’est pas une question de politique, mais de stratégie business qui paie“